Aller au contenu

Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

tions pectorales de Mme Necker avaient encore un autre motif.

Elle se recherchait prodigieusement en fait d’expressions élégantes et pudibondes, en voulant toujours raffiner sur les délicatesses du langage, et de telle sorte qu’elle disait un ensevelissement au lieu d’un enterrement, une jambe de perdrix pour une cuisse, le porte-feuille d’un artichaut, une mitre de volaille au lieu d’un croupion de dinde, etc. Il est bon d’observer que c’était en étalant toute sa gorge au vent qu’elle affichait une si belle pruderie sur les bienséances.

Elle disait un jour à Mme de Meulan : — Je ne m’explique pas comment vous pouvez aller en voiture coupée ? et j’aimerais mille fois mieux passer ma vie dans un fiacre que d’aller dans toute autre chose qu’une berline. — Dites-moi donc pourquoi, répondit l’autre. — C’est qu’on est plus loin des chevaux et qu’on ne les voit ni ne les entend faire… — Et quoi faire ? — Des ordures et des bruits révoltans, répliqua Mme Necker avec un air de dégoût et d’indignation sans égale.

Mme Necker, née Churchod, ce qu’elle faisait mettre attentivement sur ses cartes de visite, avait été si bien élevée qu’elle ne se mouchait jamais qu’à l’envers de son mouchoir, ce qu’elle regardait chaque fois à l’ourlet avec une attention scrupuleuse ; petite manœuvre dont elle avait toujours la mine de vouloir tirer quelque satisfaction de vanité puérile et honnête en faveur de son éducation parfaite et de ses antécédens distingués.

Elle avait perdu ses tablettes en se promenant