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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/165

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Châtelet les rend insupportables à ces hauts-justiciers du Parlement, qui ne les reçoivent jamais chez eux et qui ne manquent jamais de les tenir à distance. Il en résulte que je ne pourrai vous parler de la société du Châtelet que sur la foi d’autrui.

C’est la charmante et opulente madame Leblanc qui est la merveilleuse de cette coterie. — Elle se fait coiffer par Léonard. — Imaginez qu’elle a fait faire un pouf par mademoiselle Bertin ! On assure qu’elle change de souliers deux fois par jour ?… On parle sans relâche et l’on parlera long-temps dans l’île St.-Louis de l’élégance et de la prodigalité de madame Leblanc[1] !

C’est M. Lenoir, Procureur du Roi en son Châtelet de Paris, qui est la coqueluche de toutes les dames du Châtelet, et particulièrement de madame Leblanc. On pourra vous dire, assez méchamment, qu’ils ont été soupçonnés d’être allés ensemble au bal de l’Opéra,… mais on ne manquera pas d’a-

  1. Mathurine-Aglaé Bouterone, mariée en 1764 à Denys-Jacques Leblanc, Écuyer, Seigneur du Porcheron et de la Maison-Riche des Porcherons-lez-Paris, Conseiller au Châtelet, et depuis Greffier de la Cour des monnayes. C’est cette même famille des Leblanc qui avait été annoblie cinq fois depuis le règne de Philippe-Auguste, et toujours par l’échevinage de Paris ; mais à l’exemple des Quatremère et de tant d’autres, ils ont toujours refusé d’accepter leurs lettres de noblesse jusqu’à ce qu’ils aient eu le moyen de quitter leur commerce pour vivre noblement. Mme Leblanc était prisonnière au Luxembourg en 1793, et son acte d’écrou disait que c’était pour avoir complotté de faire assassiner Danton, de connivence avec M. le Comte d’Artois. Elle ne mangeait autre chose que des raisins secs, et ne buvait que de l’eau sucrée.
    (Note de l’Auteur.)