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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/19

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

d’admiration pour les personnes les plus insipides et les plus sottement ridicules, et puis c’était un dégorgement de fausse rhétorique, avec des exagérations laudatives et superlatives à lui rompre en visière. Je ne sais trop s’il était de bonne foi dans toutes ces amplifications ; et ce qui m’en ferait douter, c’est qu’il se serait plutôt laissé crucifier que de sacrifier un écu pour la famille Calas ou la famille Sirven, par exemple, et qu’il était néanmoins un de leurs partisans les plus tristement passionnés et les plus mortellement ennuyeux. Mais, dans tous les cas, je ne l’ai jamais vu faire que de l’enthousiasme à bon marché. J’avais dit autrefois que la plus ridicule et la plus choquante de toutes les affectations était celle de la simplicité ; mais je trouve aussi qu’il est impossible de s’accoutumer à des paroles d’enthousiasme et des airs d’entraînement de la part d’un avare. C’est, je crois bien, parce que l’enthousiasme est généreux de sa nature, et parce que l’entraînement a toujours quelque chose de périlleux.

Prenez garde à ce que tous les hommes qui se laissent dominer par un goût sordide ont toujours quelque point d’affêterie dans le caractère ; et je pense que c’est l’habitude de la dissimulation qui les conduit à l’affectation. On suppose et l’on espère cacher ce qu’on fait en affectant ce qu’on ne sent pas ; et, du reste, je n’ai jamais connu aucune personne affectée qui fût d’un caractère et d’une conduite tout-à-fait estimables.

Il nous arriva huit jours après, à Montflaux, sans valet de chambre et par le coche (votre parent du côté gauche). Il avait fait connaissance en route