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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/18

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SOUVENIRS

preuves d’animadversion qu’ils s’attirent d’un autre côté.

On rapportait de notre Chevalier qu’il avait toujours l’attention de souffler la chandelle aussitôt qu’il arrivait chez cet homme de Vendôme, à qui sans doute il avait soin de faire observer qu’on n’a pas besoin d’y voir pour ne rien faire et qu’on peut très-bien parler à tâtons. Après avoir causé pendant toute une soirée sans feu ni sans flamme, au cœur de l’hiver, il se trouva que, pour éclairer le départ de son hôte, le bonhomme entreprit de rallumer sa chandelle en soufflant sur quelques charbons, et il aperçut alors M. le Chevalier qui rajustait précipitamment les bricolles et les boutons de son haut-de-chausses. — Holà ! ouais, Monsieur ! voilà que je vous prends en fraude, ; et quelle économie faites-vous donc là que je ne sache point ? — Monsieur, lui répondit l’autre avare, je vous dirai que j’ai pour le présent, sauf votre respect, une culotte de velours à peu près neuve, et j’ai pensé qu’il ne serait pas déshonnête à moi, vu l’obscurité, de la détacher et la descendre assez pour ne s’user point et ne pas la faire miroiter sur cet escabeau. Laissez-moi vous dire, à ce propos, qu’il ne faut jamais laisser mettre de la cire au fond non plus qu’au dossier des sièges. Savez-vous bien qu’à revendre, et si parfaitement bon qu’il fût, du velours miroité perdrait environ soixante pour cent ?….

La prodigieuse avarice de cet homme n’était pas à mon avis, ce qu’il y avait de plus déraisonnable et de plus contrariant pour nous dans ses habitudes ; il avait l’inconvénient de s’emphasier et s’engorger