Aller au contenu

Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

cru devoir leur confier le secret de sa position. Si c’était une imprudence, elle attestera du moins sa moralité charitable et la délicatesse de son noble cœur.

La douce Geneviève, devenue Mme de Saint-Paër, se trouva donc obligée de passer des journées interminables, ainsi que la plupart de ses nuits, dans la solitude. Vous direz que son état n’avait que l’apparence de l’abandon ; mais qu’il était triste ! L’inquiétude ne manqua pas de succéder à l’ennui… — Un beau jeune homme, un prince !… — Un père irrité, une famille omnipotente, et peut-être vindicative ? — Des séductions pour lui, des rigueurs pour elle, et puis l’abandon, l’oubli, sans doute !… Enfin la malheureuse enfant gémissait et pleurait sans relâche et sans terme. Pendant l’absence de son mari, c’était parce qu’il n’était pas là ; quand il était arrivé, c’était parce qu’il allait repartir ; et quand elle ne recevait pas de lettres de lui, c’était assurément parce qu’il était prisonnier, parce qu’il était malade, ou parce qu’il ne l’aimait plus !… Le prince en était désolé pour elle et pour lui.

— Souffrez et patientez, lui disais-je, on ne manque jamais impunément aux obligations de son état ; voilà pour vous, Monseigneur ! et quant à Geneviève, innocente et faible créature que vous n’auriez pas manqué d’éloigner et d’éviter avec soin, si vous l’aviez aimée parfaitement, au lieu de lui faire le malheureux présent de votre cœur et de votre main ! sachez donc, mon pauvre enfant, que lorsqu’on est déplacé dans sa position sociale, on n’est jamais sans inquiétude et sans trouble ! Il en est des