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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/33

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

lorsque le curé veut sortir, à cinq heures du matin, pour aller dire la première messe, il se précipite sur lui comme un furieux qu’il était ; il le maltraite et le terrasse en le menaçant de le tuer s’il ne parle pas….. En sentant le canon du pistolet sur son front le curé s’écria : — Tuer un prêtre ! ignorez-vous donc que vous seriez excommunié ? — Mon père ? où est mon père ? criait le jeune soldat. Je vous tue si vous ne me dites pas ce qu’il est devenu ! — Malheureux garçon ! lui répliqua mon pauvre Curé, j’aime encore mieux parler que de vous voir encourir l’excommunication majeure et fulminante avec cloches sonnantes et cierges éteints ; et, moitié charité, moitié frayeur, il se mit à lui confier tout ce qu’il avait appris de Jean Boucherie. Ma justice instrumenta préliminairement contre le meurtrier, que le présidial du Mans voulait absolument envoyer à la potence, et que je fis maintenir dans ma prison d’Ambrières en dépit des injonctions et assignations de ce tribunal, dont j’ai toujours eu grand soin d’écarter les sentences et de faire décliner la juridiction bourgeoise à mes vassaux. Enfin le parlement de Bretagne évoqua l’affaire, et voici les principales dispositions de son arrêt.

Comme Jean Boucherie ne pouvait être interrogé ni récollé, par la raison que je l’avais fait évader et bien cacher dans mes sept tours, aux Gastines, d’où il n’est sorti que pour aller surveiller la fabrication du cidre à l’abbaye de la Trappe, il n’avait pas été nommé dans la sentence de Rennes ; mais il ne put jamais prendre sur lui de rester dans le même pays que les Picard, dont il avait tué le père ;