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Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/98

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SOUVENIRS

dus Mémoires de Bachaumont, qui vont jusqu’à la fin de l’année 1787 (c’est-à-dire plus de 22 ans après la mort de ce nouvelliste), sont nécessairement apocryphes. On disait qu’il était fils naturel du Maréchal de Villars ; et, dans tous les cas, il n’avait aucune espèce de rapport avec cet autre Bachaumont, le caudataire du Cardinal de Retz, l’un des auteurs du voyage en Provence et le compagnon de l’aimable Chapelle. Celui dont il est question passait sa vie chez Mme Doublet de Persan, qu’il avait aimée constamment et sans distraction depuis sa jeunesse ; et l’on peut dire qu’il est mort en adoration devant elle. Elle avait de l’esprit, la Présidente Doublet, et, si elle avait eu l’usage d’un autre monde, elle aurait été bien aimable. Elle est morte en 1772, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, et depuis quarante-deux ans elle n’était pas sortie de sa chambre à coucher. On la rencontrait jadis à l’hôtel de Béthune et chez les d’Aligre, où j’étais fâchée de ne la plus trouver ; mais je n’ai jamais pu me résoudre à la voir chez elle : je n’ai jamais pu supporter les bureaux d’esprit, les lectures et les preneurs de notes.

Je vous ai déjà dit que les Nouvelles à la main sortaient de chez Mme Doublet, et voici comme on y procédait régulièrement. Le secrétaire de la Présidente enregistrait les anecdotes et toutes les nouvelles de la soirée ; ses deux laquais (qui devaient absolument savoir écrire) en faisaient six copies, ce qui les occupait souvent pendant toute la nuit ; on envoyait ces bulletins par des commissionnaires, et dans la matinée, à tous les principaux amis de la