Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/106

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décidé à faire une déclaration précise, à exiger une réponse, mais dès le seuil, craignant de détruire ce qui était le plus simple et le meilleur de ma vie, je me contentais de m’enquérir du sommeil pendant la nuit, de la santé.

Un jour, je rencontrai une jeune femme qu’il me semblait connaître et dont pourtant je ne pouvais me rappeler le nom. La première, elle se nomma : « Jessy. » Je me souvins alors de cette petite danseuse de l’Alcazar que j’avais essayé d’aimer, à Marseille, autrefois.

Elle avait conservé l’accent qui m’avait plu. Elle me demanda : « Toujours aussi stupide avec les femmes, mon petit Daniel ? » Je l’emmenai prendre le thé ; elle me raconta qu’elle avait réussi à se faire épouser par un égyptien. Son mari devait la rejoindre dans quelques jours.

« Et vous ? »

Je répondis par quelques mensonges, lui fit la cour, la décidai à vouloir bien passer la soirée avec moi. J’envoyai un mot à Cyrilla pour qu’elle ne m’attendît point au dîner.

Je restai toute la nuit avec Jessy.

Au matin, je lui dis que je devais quitter Zermatt le jour même. Elle ne s’en émut guère. Depuis qu’elle pouvait jouer avec des livres égyptiennes elle n’avait plus le souci des gestes d’amour ; si elle avait voulu de moi pour une nuit, c’était histoire de penser un peu à celles d’autrefois, tout comme on regarde les cartes postales d’un sou, avec le seul mot « Affectueusement ».

Certes je n’aimais pas Jessy, mais j’aurais voulu qu’elle me regrettât, qu’après des heures de simili-amour, elle