Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/52

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n’est-ce pas ? était orientale, admirait le professeur Dupont-Quentin et dans son enthousiasme lui a même dédié quelques pages exubérantes.

« La manière dont vous suiviez un enseignement d’une telle abstraction ne donnait guère à prévoir que vous dussiez un jour prendre intérêt aux doctrines de votre maître.

« Hélas ! ce maître n’est plus et, Monsieur, les événements qui, dites-vous, ont bouleversé votre existence peuvent seuls expliquer pourquoi vous êtes jusqu’ici demeuré sans le savoir.

« Excuserez-vous l’indiscrétion d’une mémoire féminine ? J’espère quant à moi que vous avez oublié la jeune fille aux robes de serge. Sans doute serait-il prématuré de vous confier déjà quelle aventure me fit délaisser la vie laborieuse où j’avais commencé de m’engager à la suite de mon père. Sachez cependant qu’après une déclaration du prince Cyrille Boldiroff je partis avec lui pour l’étranger. Notre mariage vient d’être célébré à Saint-Moritz, dans l’Engadine, la veille de Noël.

« De Scolastique Dupont-Quentin, je suis devenue princesse Boldiroff. En ce moment nous sommes à Zurich. J’ai un costume du même drap que celui du prince ; il a fait copier le bracelet que je n’ai pas quitté depuis l’âge de treize ans et, comme moi, il porte au poignet gauche un cercle d’or et de lapis-lazuli. J’ai abandonné mon nom de baptême. Boldiroff s’appelle Cyrille. On m’appelle donc Cyrilla.

« Ainsi la plus douce des expériences me vaut enfin de savoir qu’aimer c’est se ressembler jusqu’à porter les