Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/56

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vont mal et qu’elle n’a sans doute de dispositions que pour faire des enfants et des confitures.

L’attente n’amoindrit pas mes résolutions. J’arrivai rue Saint-Sulpice très décidé. J’avais élaboré le plan d’une petite conférence antiféministe. À la vérité, je dois avouer que mes arguments valaient juste ceux des réunions publiques. Par bonheur Cyrilla me reçut avec un sourire qui me fit oublier tous projets d’éloquence.

La jeune femme portait une robe de soie noire et un gilet de cuir blanc. Les cheveux couvraient presque les yeux. Je lui fus reconnaissant de n’avoir point la coiffure à la mode qui était alors une raie de milieu et des coques sur les oreilles ; elle était mince, presque maigre, mais la vie des montagnes avait coloré ses joues et l’on devinait les muscles très fins qui couraient sous la peau. À vrai dire, l’ayant toujours prise pour une de ces précieuses qu’un homme ne peut s’empêcher de haïr, je ne m’étais guère jusqu’alors donné la peine de la bien regarder ; or l’air dont elle m’avait dit le simple bonjour me forçait à nier mes impressions d’autrefois ; je vis en elle une autre femme, une femme aux gestes jolis, habile à jouer avec des futilités que les doigts masculins ne peuvent effleurer sans catastrophe.

Cyrille avait dû sortir.

Sa mère, veuve en secondes noces d’un richissime lord, l’avait, paraît-il, réquisitionné. La vieille lady ne lui pardonnait guère son mariage et mettait à lui servir une pension trop de mauvaise humeur pour qu’il se risquât à la mécontenter.

Cyrilla s’excusait : « Malgré tout ce que j’ai pu vous