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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/279

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dépêches qui passerait au galop le long des murs de toutes ses églises, de ses couvents, de ses palais et de ses châteaux forts, constructions qui sont loin d’être d’un goût pur, mais qu’au premier coup d’œil on prend pour le séjour d’êtres surnaturels.

Malheureusement, on bâtit aujourd’hui au Kremlin un nouveau palais, afin de rendre plus commode l’ancienne habitation de l’Empereur ; mais s’est-on demandé si cette amélioration impie ne gâtera pas l’ensemble, unique au monde, des anciens édifices de la forteresse sainte ? L’habitation actuelle du souverain est mesquine, j’en conviens, mais pour remédier à cet inconvénient on entame les édifices les plus respectables du vieux sanctuaire national : c’est une profanation. À la place de l’Empereur, j’aurais suspendu mon nouveau palais dans les airs plutôt que d’abattre une pierre des vieux remparts du Kremlin.

Un jour à Saint-Pétersbourg, lorsqu’il me parla de ces travaux, ce prince me dit qu’ils embelliraient Moscou : j’en doute, pensais-je : c’est comme si l’on voulait orner l’histoire. Certes, l’architecture de l’ancienne forteresse n’était guère conforme aux règles de l’art, mais elle était l’expression des mœurs, des actes et des idées d’un peuple et d’un temps que le monde ne reverra plus ; c’était sacré, comme l’irrévocable. Il y avait là le sceau d’une puissance supérieure à l’homme : la puissance du temps. Mais en