Aller au contenu

Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ancien disciple une lettre charmante. Il me mande qu’il attend Helvétius qui doit être arrivé actuellement. J’espère qu’il sera bien reçu, et que l’inf… aura encore ce petit désagrément. J’ai vu des additions au Dictionnaire philosophique, qui m’ont fait beaucoup de plaisir. La dispute sur le chien de Tobie, barbet ou lévrier, m’a extrêmement diverti, sans parler du reste. On dit que les ministres de Neufchâtel ne veulent plus de Jean-Jacques, et que votre ancien disciple n’aura pas le crédit de l’y faire rester malgré cette canaille. Je me souviens qu’il y a quatre ans, il fut obligé d’abandonner un pauvre diable qui avait prêché contre les peines éternelles, et que le consistoire avait chassé. Le roi de Prusse écrivit à milord Maréchal : Puisque ces b......-là veulent être damnés éternellement, dites-leur que je ne m’y oppose pas ; que le diable les emporte et qu’il les garde. Au fond, le pauvre Jean-Jacques est fou. Il y a cinq ou six ans qu’il mettait Genève à côté de Sparte, et aujourd’hui il en fait une caverne de voleurs. Il faudrait, pour toute réponse, faire imprimer l’éloge à côté de la satire, et y mettre pour épigraphe ce vers de je ne sais quelle comédie :

Vous mentez à présent, ou vous mentiez tantôt.

Adieu, mon illustre et respectable maître ; on peut dire de ce monde comme Petit-Jean dans les Plaideurs :

Que de fous ! je ne fus jamais à telle fête.


Paris, 3 janvier 1765.


Mon cher et illustre maître, il est arrivé ce que nous espérions au sujet de l’histoire de la Destruction des jésuites. Les gens raisonnables ont trouvé l’ouvrage impartial et utile, les amis des jésuites même savent gré à l’auteur de n’avoir dit de la Société que le mal qu’elle méritait ; mais les conseillers de la cour, jansénistes convulsionnaires, et attendant le prophète Élie, qui aurait bien dû leur prédire la tuile qui leur tombe aujourd’hui sur la tête, ont crié comme tous les diables. Ils voudraient, dit-on, dénoncer le livre au parlement ; mais comme le parlement y est traité avec ménagement, il y a apparence qu’on leur rira au nez ; ils commencent à perdre de leur crédit, même dans la compagnie : jugez de l’état où sont leurs affaires. Ce qu’il y a déplaisant, c’est que cette canaille trouve mauvais qu’on lui applique sur le dos les coups de bûche qu’elle se fait donner sur la poitrine. Il me sem-