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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/140

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LE ROI

hommes n’osaient bouger. Comme Henri était en avant, le cerf aperçut le roi, et les deux « fugitifs » se regardèrent…

— Lui ! murmuraient les hommes, le cerf de chasse !

— Sire, râla madame de Sauve, voyez comme il tremble ; il chancelle… écoutez son soufflement, il va mourir. C’est vous, c’est vous qu’il regarde… J’ai peur.

Le roi se reconnut-il dans ce sauvage, dans ce fugitif traqué par les chiens, et désira-t-il absoudre à ses yeux, par une éclatante marque d’honneur, la honte de sa propre fuite ? On ne sait. Il fit seulement un pas vers le malheureux cerf, et se découvrit. Ce fut énigmatique, émouvant, simple : la tête royale s’inclina vers cet envoyé du mystère. Puis le cerf dans un bond farouche disparut !


Dès lors, il n’y eut plus de mots, plus de cris ; le signe était clair : En selle ! semblait avoir dit la bête, poursuivi comme moi, fais comme moi, pars ! Le Gascon prit son ture aux crins, et après un geste de baiser, net comme un rais, s’emballa dans le bois funèbre. Les sept aventuriers, vite, s’accrochèrent à leurs chevaux, et rapides comme la bise, à plat sur leurs bêtes, vite, plus vite encore, s’affolèrent sur la grande route, enivrés, dans le vertige d’une course qui semblait un vol. Des vêtements, un à un, tombaient du cheval d’Henri ; l’é-