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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/160

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LE ROI

point brun, lui et son cheval, dans la verte et claire campagne, que les châtelains, aux fenêtres, reprenaient leurs âpres défiances :

— Il est bien oseux.

— Peut-on ! s’écriaient les vieilles. Appartient-il à la religion dont nos rois ont été depuis Clovis !  !

— En outre, il est dans la succession de la couronne au-delà du septième degré.

— Ajoutez qu’il chevauche à plus de deux cents lieues de Paris, relégué dans un pauvre coin de Guyenne, et qu’il est aisé de l’y opprimer.

— Vous croyez alors ?

— Que ce sont aléas douteux, qu’il nous faut poliment aller à son rendez-vous, mais ne s’engager avec lui sur rien. C’est un homme d’illusion, d’humeur soudaine et qui prend Nérac pour Paris. Par improvidence ou trop de fougue, il pourrait y perdre son enjeu ; n’y laissons pas le nôtre. Et puis, on dit…

Sur ce mot, les fronts se troublaient ; l’ « on dit » avait cent mille bouches.

— Il est inconstant.

— Oui, disaient les anciens, et c’est le plus grand vice d’un général. Nous venons à lui un peu tard ; il est huguenot, et beaucoup de notre bord sont catholiques. Qui nous assure qu’après nous avoir entraînés aux guerres, il se remémore un jour nos services ? Il récompensera plutôt ceux de sa religion. Considérant, dit-on, les vertus courageuses comme obligatoires, nos éclats de bravoure peuvent lui rester inconnus, ou s’ils lui sont con-