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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/175

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LE CAPITAINE

— De fausse langue méchants mots. Puisque vous étiez de son armée, dites-moi comment il était, je verrai si vous mensongez.

Il sourit.

— Bon comme saint Martial, et brave.

— Et beau ! fit-elle en confiance.

Hésitant, il osa un piège :

— Quoique j’aie le cuir boucané, d’aucuns qui nous ont vus m’ont dit que j’avais un peu son visage.

— Trinité ! (Son rire vola dans l’ombre comme un oiseau blane) Vous et lui semblables ! c’est caillou et verre de Vendôme !

Malgré lui, honteux, il tourna la tête.

— Beau, continua-t-elle, à défendre aux anges le dormir ; si vous l’aviez vu lorsqu’il vint !

Ses yeux bleuirent dans le passé.

— Il entra ici ?

— Oui, soldat.

Ils regardèrent le jardin avec émotion.

— Et y a longtemps ?

— Près de quinze années. Il vint et s’en revint et passa comme le soleil. (Montrant ses cheveux) Il me prit une fleur ici, car au temps jadis fus mignotte. Depuis, soldat, j’y pense tous mes jours.

— Il n’avait alors que neuf ans ; asteure, dit-il, c’est un haut homme.

Elle s’écria soudain, collée au treillage :

— Puisque vous suiviez son étendard, vous le connaissez done ! Gendarme qui venez des guerres, parlez-moi de lui !