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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/186

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LE ROI

coup, ressaisit sa pique et tourna au loin pour se battre. Cinq heures après, jour levant, on luttait toujours. À midi, on luttait encore. Le soir, un quartier fut pris ; on se reposa. Une demi-fesse posée, chacun déficelait son bissac, lorsque tout soudain, d’une ruelle, l’ennemi reparut en nombre. Hou !… appela Henri. À l’allègre signal des tambourins et des fifres, l’armée se releva sans un murmure. « Nous sommes en cœur et eux en peur, dit le roi. Yam ! cria-t-il aux siens, la guerre est la fête des morts, va falloir besogner des poings ! » Il jeta la croûte qu’il dépiotait, bondit en selle et viola les rangs ; trois escadres, de divers côtés, intervinrent, cent rugissements brutalisèrent la ville et la cavalcade de fer se remit à vociférer. Soutenu par ses capitaines dont la presse entourait son cheval, le roi s’engouffrait dans le flot des piques, les abattait, gaillard, à grands coups de glaive, espadonnait au large, agrafait les hommes au passage, se câblait à eux, l’œil dans l’œil, et des morts tombaient de ses bras. Près de lui, lamentablement déchiré par les ongles des hallebardes, l’étendard navarrin, glorieux d’ordures, déferlait et claquait au vent comme un torche-pot de cuisine. « Chargez du côté nord ! gasconnait une voix. Baissons la tête ! Il faut combattre ! Hasarde ! Pousse ! Tue ! » Aux appels des clairons, d’énormes galops plombés s’effondrèrent vers les assaillants : c’étaient Saint-Martin et les gardes. La bataille se recourrouça, telle une meule qu’un fétu rallume. Máchurée par trois mille dents, une