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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/201

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LE CAPITAINE

Au bout de quelques brassées :

— D’Aubigné…

— Qu’y a-t-il, sire ?

— Tu ne sais pas ce que je viens de faire ?

— Non, exhala une voix.

— J’ai repoussé le radeau, exprès.

Une courte sueur froidit les doigts de d’Aubigné.

— Et si nous échouons dans la tour ?

— N’ayant plus de chance par en bas, nous saurons bien mieux en ménager une par en haut. Le désespoir vaut le courage.

— Hélas ! sire, sont idées à vous, s’émut le poète ; mais n’importe, le clairet tiré faut le boire.

Au long de la grosse corde, pendant trois minutes, rien ne se devina qu’un raclement doux, le frottis léger des étoffes contre les spirales de ficelle, le heurt des cœurs, l’effort sourd des nerfs et des os. Aucun ne se voyait. En file ténébreuse on montait dans le noir, dans le vide, dans l’inconnu, et celui d’en bas ne commençait sa brassée que lorsque celui d’en haut remontait les jambes. Soudain, tout s’arrêta.

— ……

D’Aubigné, au-dessus du roi, se sentit cogner au talon.

— Qui nous arrête ?

— Je l’ignore, sire, mais la « passée » sans doute va nous l’apprendre.

Un avis descendait du haut de la corde, mystérieux, et « passait » de l’un à l’autre sur l’aile