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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/209

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LE CAPITAINE

— Oui, approuva Turenne, nous allons à un grand malheur. Joyeuse accourt, le temps presse ; il n’y a qu’un moyen de salut. Maintes fois, nous vous avons vu tourner l’opinion et changer les corbeaux en cygnes. Un discours de vous recalerait nos gens.

— Parlez, sire ! implora Rosny, jouez-leur le tour d’un homme fin. Les armées les meilleures sont faciles au désespoir, et si nous ne remettons point celle-ci dans sa première confiance, c’est au bout du bout la défaite.

— J’ai trouvé l’amorce, dit le roi rêveur ; faites ranger l’armée en bataille.


D’un bout à l’autre de l’aurore, les trompettes sonnèrent. Et devant les troupes rassemblées, à cheval, frane comme un écu au soleil, sans cérémonie et formalités le roi s’arrêta :


Mes amis !

— Je vous ai fait venir parce qu’une partie d’entre vous murmurait d’aller à l’action. En ceci vois-je une fois de plus que la malignité des hommes gâte les meilleures choses. Ne faut point se régler sur la badaudaille ou petit monde qui caquette à perte de salive sur les actes qu’elle voit faire, et n’en sait cependant rien plus. Sans vous précipiter à croire légèrement, vous allez juger s’il y a l’apparence, en mon intérieur, d’une crainte ou d’une panique, car étant d’éveillés Français, inhabiles à poser dans les garnisons, si