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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/215

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LE CAPITAINE

déboucha devant son armée à l’instant précis qu’elle terminait l’incommensurable manœuvre. Il redressa de sa belle voix, au juste alignement, le quarante mille cinq cent trente-cinquième homme du front des troupes qui sortait un nez de toucan, et demanda nouvelles de l’ennemi. — « N’est plus là, dit un officier. — Bien, monsieur, et où est ? — Établi en ses foyers. — Lesquels foyers, monsieur ? — Eh bien, ceux que nous devions prendre. — Lors, dit le général, puisque l’ennemi veut garder ce que nous venions lui saisir, quant et quant demi-tour ! » Et ils s’en allerent.


La foudre d’un énorme rire s’élança des quatre mille hommes ; les chevaux eux-mêmes, hagards, montrèrent joyeusement leurs dents, et les nerfs crispés en un spasme accolèrent les durs mousquets. Le roi sourit.

— Sire, l’heure approche… murmura tout bas d’Aubigné.

Le Gascon se dressa soudain, solennel :


— Ceci, hurla-t-il aux troupes, est pour vous montrer qu’il ne faut pas craindre le nombre ! À hardi homme court bâton ! À vif général fine armée ! Tel qu’Agésilas de Sparte qui pour encolérer ses hommes leur montra un Persan tout nu, si je pouvais jeter sous vos yeux quelques-uns de ces courtisans qui s’avancent et vous faire toucher leur chair délicate, vous bondiriez au devant ! (Un horrible frisson agitait déjà les cornettes)