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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/323

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LE ROI

d’Egmont et à ses Flamands, la troupe de Mayenne surgit en charge, escortée d’une masse espagnole, et tomba sur les royaux reculants ; les six cents Navarrais se trouvèrent devant cinq mille hommes. Il y eut là un peu de boucherie : les carabins firent leur décharge à vingt pas ; un coup transperça la jambe de Rosny, un deuxième sa main, un autre fora son flanc, son cheyal tomba, frappé dans la bouche d’une balle qui ressortit sous la selle, et le jeune comte de Rhodes, tué sur son sourire, roula sous les chevaux avec l’étendard. Dans cet arroi de bataille, le Gascon courait à chacun, dépiécé de son grand manteau, de ses armes, et hurlait à tous des encouragements. Le désordre, peu à peu, — gagnait la Cornette-Blanche ; deux cents nobles étaient morts déjà ; quelques-uns, têtus, combattaient de la javeline et du glaive ; d’autres, pistolets chargés, en fractions de trois à huit files, rompaient sans rien entendre, couraient à l’ennemi, tirant en pleine chair, nez à nez, d’un entrain qui faisait merveilles. Cette pistolade héroïque, toutefois, leur était funeste : ils se faisaient fendre en long, en travers, et dégringolaient de leurs selles en perdant leur jus comme de braves pêches gâtées. De la civière où on l’emportait, Rosny le comprit enfin : « Messieurs, dit-il en se soulevant, veuillez m’attacher à cheval ; mes balles sont en bon lógis dans mon ventre, et tandis qu’elles dorment je veux revoir la Cornette. » Tout blanc et tout rouge, il s’assit comme il put sur un courtaud de Bre-