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Page:D. - Mémoires d’une danseuse russe, 1893.djvu/12

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VI
AVANT-PROPOS.

le bout de la langue. Mais je n’étais pas encore assez familier avec la ballerine, pour m’informer de la cause d’une pareille envergure, que j’attribuais aux exercices physiques, auxquels devaient se livrer dès leur enfance les élèves de Terpsichore.

Je tournais autour de la belle Slave, lorgnant d’un œil d’envie le superbe ballonnement, tenté de palper l’étoffe comme par hasard, mais j’osais à peine l’effleurer, craignant des rebuffades, bien que Mariska parut m’encourager de l’œil.

Un soir j’eus l’occasion de tâter l’étoffe soyeuse, qui couvrait la somptueuse mappemonde. Nous allions souper au cabaret, deux de mes amis et moi avec la danseuse en cabinet particulier. Je montai derrière elle les degrés qui conduisaient au salon du premier, j’en profitai pour prendre dans mes mains la mesure de la circonférence, qui me parut d’un volume remarquable, sans qu’elle s’en montra le moins du monde offusquée.

Pendant le souper, arrosé de champagne frappé, nous la plaisantions sur ce que nous appelions sa difformité. Elle avait, un sourire goguenard, comme si elle méditait quelque farce épicée, dont on la disait coutumière dans les soupers où on l’invitait.

Quand la table fut desservie, elle avait une pointe d’ivresse. Elle avait vidé coup sur coup quatre ou cinq coupes de champagne, comme pour se donner du cœur. Elle sauta sur la table s’agenouilla, nous