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Page:D. - Mémoires d’une danseuse russe, 1893.djvu/39

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diat. La correction fut confiée à la jeune barine. On m’obligea à assister à la représentation avec toutes mes compagnes, pour me montrer comment on guérit les mères de leurs pleurnicheries et de leurs faiblesses maternelles.

D’abord je fermais les yeux. Je ne voulais pas voir, si j’étais forcée d’entendre. Une gifle qui me cingla la joue gauche me fit ouvrir les yeux en m’arrachant un cri. C’était la boïarine, qui, s’apercevant que je fermais les yeux pour ne pas voir fouetter ma mère, m’avait appliqué ce méchant soufflet qui me fit enfler la joue, en me recommandant de ne pas perdre un instant de vue le spectacle qu’on m’avait mis sous les yeux, si je ne voulais pas être fouettée jusqu’au sang à mon tour.

Je dus tenir mes regards fixés sur le théâtre du châtiment, et contempler, spectacle affligeant pour une fille, les fesses qui lui ont donné le jour, abîmées par une méchante gamine. La joue me cuisait, les larmes qui coulaient de mes yeux obscurcissaient ma vue, et je ne voyais qu’indistinctement comme à travers un brouillard le postérieur maltraité.