Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/295

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XXI


J’ai passé bien des jours tristes. À la maison, on a l’air de m’éviter, de s’éloigner de moi comme d’une bête galeuse ; ma sœur surtout affecte un mépris de moi, un dédain de ma personne qui se traduisent de mille façons. Quant à mon père, il se contente de ne m’adresser la parole que lorsque la chose est tout à fait indispensable. Le temps n’est pas gai, non plus ; le froid est terrible et la neige tombe presque sans discontinuer ; la ville a un aspect lugubre. La famine menace Versailles ; les vivres commencent à manquer ; les denrées les plus indispensables font défaut ou sont hors de prix. On parle d’accaparement, de spéculation sur la misère publique. On déblatère contre certains commerçants dont la conduite est des plus louches, contre d’autres qui se font les pourvoyeurs de l’ennemi.