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Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/53

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regarder les soldats que nous escortons sur le trottoir, marchant au pas, en flanqueurs.

Les soldats, eux, ne marchent pas trop au pas : le trouble et l’enthousiasme, la joie d’aller combattre les Prussiens, l’émotion inséparable d’un départ ― un tas de choses. ― Il y a un vieux chevronné, à côté de moi, qui titube. Un officier tout jeune, presque sans moustaches, lui remet toutes les deux minutes son fusil sur l’épaule. Ça fait plaisir de voir l’union qui règne entre officiers et soldats. Le colonel, un vieux tout gris, salue de l’épée quand on l’acclame et un clairon, au premier rang, a fourré un gros bouquet de roses dans le pavillon de son instrument qu’il porte comme un saint-ciboire. D’autres bouquets sont enfoncés dans les canons des fusils, des bouteilles montrent leurs goulots sous la pattelette des sacs et deux ou trois chiens, les pattes croisées, sont étendus sur la toile de tente roulée autour des havre-sacs. On applaudit les chiens.

Place du Marché, tous les paysans sont accourus. Ils font une ovation au régiment. Et, devant la boutique du pharmacien qui fait le coin, quatre ou cinq grands gaillards qui