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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/256

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— Oui, dit encore Raubvogel ; et la preuve qu’on est républicain, c’est qu’on a Paris.

Paris… J’essaye, évoquant le passé libertaire de la grande ville, de la juger en homme imbu fortement, mais sans lyrisme, des idées qu’elle incarna. Je vois que Paris a donné à l’humanité, en ce XIXe siècle, deux torches sans lesquelles la route de la Révolution serait encore obscure : 1848 et 1871. Février et juin 1848 ont prouvé, il me semble, qu’aucune transformation sociale n’est possible sans des changements politiques complets ; et 1871 a démontré, je pense, que des changements politiques ne peuvent s’effectuer sans la complicité de cette partie de la population qui, portant les armes, est jusqu’à présent le meilleur et même le seul soutien de l’État autoritaire. Et je me demande comment Paris a pu devenir ce qu’il est aujourd’hui ; comment les Parisiens, après avoir entendu tomber de l’abominable gueule d’un pitre des couplets patriotards qui sont le dérisoire écho de la lâcheté publique, peuvent acclamer le brave général Boulanger, qui fit preuve de sa bravoure en les fusillant…

— Le peuple de Paris, ricane le général de Porchemart, a été peint de main de maître, et une fois pour toutes, par Rabelais ; ce peuple qui est « tant sot, tant badault, et tant inepte de nature ». Il ne faut pas le prendre au sérieux, même dans ses moments de férocité. Les Sans-Culottes, par exemple, n’ont jamais eu d’autre idéal qu’une nouvelle mode ; leurs plus abominables excès témoignaient simplement d’un goût maladif pour le pantalon.

Les Parisiens… Aujourd’hui, 14 juillet, c’est par centaines de mille qu’ils se sont rendus à Longchamps afin d’assister à la Revue — la misérable revue annuelle instituée pour satisfaire la curiosité badaude d’un demi-million d’idiots.

Ça foisonne, ça grouille, ça sue, ça pue ; ça noircit les rues et les avenues ; les fourrés du bois en sont pleins :