— Il est certain, dis-je en interrompant le général, que mon père n’a pas toujours été très scrupuleux au sujet des femmes. Il lui est même arrivé d’emprunter celle du voisin. Mais, mon général, pourquoi n’avez-vous jamais attiré son attention sur ce point pendant sa vie, vous qui étiez mieux placé que tout autre pour le faire ?
— Que voulez-vous dire ? demande le général d’une voix rauque, en crispant les poings.
— Rien d’autre que ce que je dis.
— Alors, reprend-il en mâchant les mots avec rage, je vous rappellerai que vous oubliez nos situations réciproques, et que cela peut vous coûter cher. Si je voulais… La mort mystérieuse de Mme Plantain, à Sandkerque, si nous nous donnions la peine de chercher…
— Mon général, il faut vous donner cette peine, et tout de suite ; je vous en prie. Et découvrir en même temps, si c’est possible, l’ignoble personnage qui avait envoyé une lettre anonyme à cette malheureuse femme…
— Malheureuse femme ! s’écrie le général en frappant du poing la table devant laquelle il est assis. Cela vous va bien ! Cela vous va bien, de la plaindre ! En vérité ! À peine échappée aux griffes du père, elle tombe dans celles du fils. Parbleu ! Elle était riche !
— Dans ma famille, dis-je en ricanant, on a toujours aimé l’argent. Famille militaire, mon général. Cependant, on ne s’est jamais caché derrière des hommes de paille pour pratiquer l’usure.
Lahaye-Marmenteau a un haut-le-corps ; pourtant, il affecte de ne pas comprendre ; il siffle :
— Votre conduite vis-à-vis de Mme Plantain a été atroce. Vous n’avez pas de cœur.
— Si ; en vous écoutant, je l’ai sur les lèvres.
Le général, à l’instant, est sur ses pieds ; la bouche écumante, le bras tendu vers moi.
— Vous qui faites passer vos hommes au Conseil de