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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/451

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guerre, s’écrie-t-il, vous allez… Vous osez m’insulter… moi !… Dans mon cabinet de chef…

— Un cabinet ? Un cabinet ? répété-je à demi-voix — car l’idée ne vient tout à coup que je pourrais être entendu par quelque invisible témoin aposté derrière une porte — ; un cabinet ? Je ne savais pas ; je croyais que c’était une agence matrimoniale.

— Cela vaudrait mieux pour vous, grince le général en regagnant son fauteuil et en avançant les mains vers un timbre ; les agences matrimoniales ne possèdent point, sur le compte du général Maubart, héros de Nourhas, des documents semblables à ceux qui sont ici, dans un tiroir de mon bureau. Leur publication s’impose, vous comprenez. L’iniquité des pères…

Le général appuie le doigt sur le timbre et, comme un officier d’ordonnance paraît, me congédie de la main. Mais je veux avoir le dernier mot.

— Mon général, dis-je en faisant un pas vers Lahaye-Marmenteau, je me souviendrai toujours de ce que vous venez de me faire comprendre : qu’il ne faut jamais redouter les gens assez couards pour s’attaquer aux morts et dont le métier consiste à prêter leur incompétence à leur pays, comme on dit, à la petite semaine.



Ce serait une erreur de croire que les menaces du général de Lahaye-Marmenteau m’ont laissé froid. Elles m’inquiètent, au contraire, énormément. D’autant plus que ces menaces ne s’adressent pas directement à moi, mais à la mémoire d’un homme dont, malgré les liens de parenté les plus étroits, je ne connais qu’imparfaitement la vie. Je sais bien que l’existence de mon père n’a point été sans reproche ; mais quel crime a-t-il pu commettre dont l’énormité, une fois divulguée, marquerait d’un signe