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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/491

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morts se lèvent ; et les blessés et les morts s’élancent, derrière un homme qui tient un drapeau rouge ; et puis, il n’y a plus que du feu, partout ; et puis….. Nous n’avons pas été vaincus !…



Je reprends connaissance dans la salle d’une auberge où l’on m’a transporté. Je m’étais évanoui, il y a quelques minutes, sur la place : la qualité des vins du banquet, la colère, l’ennui, la chaleur….. je ne sais pas. On a déboutonné mon dolman, ouvert ma chemise ; plusieurs personnes, qui étaient dans la salle, sortent dès qu’elles me voient reprendre mes sens ; une vieille femme, seule, reste à mes côtés. Courbassol, sur la place, continue son discours ; il crie :

— Oui, c’est Gambetta, pour lequel le général Maubart avait une si vive admiration, qui a posé la fondation de ce courant de liberté, de cette grande vague de patriotisme qui nous emplit d’une légitime fierté !

Formidable, un coup de tonnerre couvre les applaudissements. Je m’approche d’une fenêtre. D’un ciel couleur d’encre, les ténèbres tombent, comme un couvercle énorme ; une marée d’air froid balaye le sol ; les faces de la foule se décomposent, verdissent ; les façades des maisons sont blêmes ; les drapeaux tricolores se violacent, palpitent comme des ailes d’oiseaux faibles fuyant devant la tempête… Il y a un silence. Mais la voix de Courbassol, toute secouée de peur, s’élève pourtant :

— Et savez-vous, messieurs, ce qui constitue la principale grandeur, la supériorité de notre brave armée ? C’est qu’elle est l’armée démocratique, nationale. C’est qu’elle est l’armée de la République, du gouvernement de tous par tous et pour tous, soucieux des humbles, épris d’idéal, fidèle à la grande devise française scellée de notre sang : Liberté, Égalité…..