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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/10

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l’étourdissement d’une chute le cœur en avant sur ces pierres. Dix ans, il n’y avait pas dix ans encore, — oh ! le triste hasard et qui lui parut prophétique d’être venue se loger en face de ces ruines, — elle avait habité là, avec son mari. C’était au printemps de 1864. Mariée depuis trois mois, la comtesse de Zara promenait alors par les cours alliées tous ses bonheurs d’épouse et de princesse héréditaire. Tout le monde l’aimait, lui faisait accueil. Aux Tuileries surtout, que de bals, que de fêtes ! Sous ces murs effondrés elle les retrouvait encore. Elle revoyait les galeries immenses et splendides, éblouissantes de lumières et de pierreries, les robes de cour ondulant sur les grands escaliers entre une double haie de cuirasses étincelantes, et cette musique invisible qui montait du jardin par bouffées lui semblait l’orchestre de Valdteufel dans la salle des Maréchaux. N’était-ce pas sur cet air sautillant et vif qu’elle avait dansé avec leur cousin Maximilien, huit jours avant son départ au Mexique ?… Oui, c’était bien cela… Un quadrille croisé d’empereurs et de rois, de reines et d’impératrices, dont ce motif de la Belle Hélène faisait passer devant elle l’enlacement luxueux et les augustes physionomies… Max soucieux, mordillant sa barbe blonde. Charlotte en face de lui, près de Napoléon, rayonnante, transfigurée par cette joie d’être impératrice… Où