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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/204

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doux de lampe de vermeil au fond d’un sanctuaire.

La reine posa son doigt tremblant, là et là :

— Il faudrait faire sauter quelques pierres… les plus grosses…

— Avec quoi ?

Ils parlaient à voix basse comme deux criminels. Mais, ne voyant rien dans le salon qui pût convenir :

— Eclairez-moi… dit Frédérique.

Ils passèrent dans la véranda vitrée, où la haute lampe promenée découpait des ombres fantastiques et une longue traînée de lumière allant se perdre sur les pelouses, dans la nuit du jardin.

— Non… non… pas des ciseaux, murmurait-elle en le voyant se diriger vers sa corbeille à ouvrage… ce n’est pas assez fort… J’ai essayé.

Enfin ils découvrirent sur la caisse d’un grenadier, dont les fins branchages cherchaient contre la vitre le clair de lune, un sécateur de jardinier. Revenus tous deux au salon, Élisée essaya d’enlever avec la pointe de l’instrument un énorme saphir ovale que la reine lui désignait ; mais le cabochon, solidement serti, résistait, glissait sous le fer, inébranlable dans sa griffe. D’ailleurs la main de l’opérateur, craignant d’abîmer la pierre ou de dessouder le chaton, qui portait en rayures sur son or les traces de précédentes tentatives, n’était ni