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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/276

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pilation indigente, dont le premier volume seul montrait de la valeur. Il est vrai qu’un autre l’avait écrit pour lui ; et si le noble Fitz-Roy apercevait là-haut, dans la tribune de la reine Frédérique, la tête fulgurante et solide d’où son meilleur ouvrage est sorti, peut-être ne ramasserait-il pas les feuillets de son discours dans sa main de cet air de suprême et dédaigneuse hargnerie, ne commencerait-il pas sa lecture avec ce hautain regard circulaire qui domine tout et ne voit rien. D’abord il déblaye adroitement et légèrement les menues œuvres que l’Académie vient de couronner ; et pour bien marquer combien cette besogne est au-dessous de lui, le touche peu, il estropie à plaisir les noms et les titres des livres. Ce qu’on s’amuse !… Arrive enfin le prix Roblot, destiné au plus bel ouvrage historique publié pendant les cinq dernières années. « Ce prix, Messieurs, vous le savez, a été décerné au prince Herbert de Rosen pour son magnifique Mémorial du siège de Raguse… » Une formidable volée d’applaudissements salue ces simples paroles jetées d’une voix retentissante avec un geste de bon semeur. Le noble Fitz-Roy laisse passer ce premier coup d’enthousiasme, puis, usant d’un effet d’opposition naïf mais sûr, reprend doucement, posément : « Messieurs… » Il s’arrête, promène son regard sur cette foule qui attend, qui halète, qui est à lui, qu’il tient