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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/279

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LES ROIS EN EXIL

On sourit avec bienveillance ; et les immortels eux-mêmes lorgnent complaisamment l’adorable fille qui se tient sans affectation au bord de sa loge, ayant seulement dans ses yeux de velours cette fixité voulue des femmes assiégées par l’attention des lorgnettes.

On se tourne aussi, curieusement, du côté de la reine d’Illyrie pour voir comment elle prend la chose. Oh ! fort bien. Pas un trait de son visage, pas une plume de son chapeau n’a frémi. Ne se mêlant en rien aux fêtes courantes, Frédérique ne peut pas connaître cette femme ; elle ne l’a jamais vue et ne la regarde d’abord que comme une toilette en regarde une autre. « Qui est-ce ? » demande-t-elle à la reine de Palerme, qui lui répond très vite : « Je ne sais pas… » Mais dans une tribune voisine, un nom très haut prononcé, répété plusieurs fois, la frappe au cœur : « Spalato… comtesse de Spalato. »

Depuis quelques mois, ce nom de Spalato la hante en mauvais rêve. Elle le sait porté par une nouvelle maîtresse de Christian, qui s’est souvenu qu’il était roi pour affubler d’un des plus grands titres de la patrie absente la créature de son plaisir. Cela lui a rendu la trahison sensible entre mille autres. Mais voici qui comble la mesure. Là, en face d’elle et de l’enfant royal, cette fille installée à un rang de reine, quel outrage ! Et sans que Frédérique