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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/357

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LES ROIS EN EXIL

balles, comme au balcon de sa fenêtre pendant la terrible scène, et le petit fermant ses beaux yeux résignés devant la mort. Sans répondre, il porta la main de Frédérique à ses lèvres avec ferveur ; puis d’un mouvement impétueux de jeunesse l’attira vers lui : « Pardon !… pardon !… »

Pardonner, la reine en eût encore été capable, mais elle aperçut à la porte du salon, prêt à partir avec son maître, Lebeau, le valet louche, le confident des plaisirs et des trahisons ; et tout de suite une affreuse idée lui vint, tandis qu’elle se dégageait doucement : « S’il mentait… S’il ne partait pas ! » Christian la devina, et, se tournant vers Méraut : « Vous m’accompagnerez jusqu’à la gare… Samy vous ramènera. » Puis, comme les moments étaient courts, il pressa les adieux, dit à chacun un mot aimable, à Boscovich, à la marquise, prit Zara sur ses genoux, lui parla de l’expédition qu’il tentait pour reconquérir son royaume, l’engageant à ne donner jamais de sujets de chagrin à la reine, et, s’il ne revoyait plus son père, à songer qu’il était mort pour la patrie, en faisant son devoir de roi. Un petit discours à la Louis XIV, vraiment pas trop mal tourné, et que le jeune prince écoutait gravement, un peu déconcerté du sérieux de ces paroles sortant d’une bouche qu’il avait toujours vu sourire. Mais Christian était bien l’homme de la