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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/361

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LES ROIS EN EXIL

Elle vit dans la glace le regard admiratif, reconnaissant, du roi, et répondit sans s’émouvoir, sans se retourner, par un baiser tendre des yeux, du bout de la plume, puis se remit à écrire paisiblement, montrant le sourire en coin de sa bouche séraphique :

— Une dépêche que j’envoie chez moi pour rassurer mon monde…, dit-elle en se levant ; et la dépêche donnée, le garçon parti, soulagée d’une inquiétude, elle ouvrait la fenêtre au soleil blond qui entrait à flots comme l’eau d’une écluse. « Dieu !… qu’il fait beau !… » Elle vint s’asseoir au rebord du lit, près de son amant. Elle riait, elle était folle du plaisir de se trouver à la campagne, de courir les bois par cette admirable journée. Ils avaient le temps, jusqu’au train de nuit qui les avait amenés et remporterait Christian la nuit suivante ; car Lebeau, continuant sa route, devait prévenir Hezeta et ses gentilshommes que le débarquement était retardé d’un jour. L’amoureux Slave, lui, aurait voulu tirer les grands rideaux sur un bonheur qu’il eût fait durer jusqu’à la dernière heure, jusqu’à la dernière minute. Mais les femmes sont plus idéales ; et sitôt après le déjeuner, un landau de louage les emportait par les splendides avenues bordées de pelouses régulières, d’arbres en quinconces qui ouvrent la forêt comme un parc de Versailles, avant que des rochers ne la divi-