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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/442

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tu ?… travailles-tu ?… » Méraut, le front plissé, parlait vaguement d’une grande entreprise « qui n’avait pas marché. » Pas un mot de plus. On voulait le tirer de là, utiliser cette force perdue. Mais il restait fidèle à ses idées monarchiques, à sa haine contre la Révolution. Il ne demandait rien, n’avait besoin de personne ; presque tout l’argent de sa place lui restant encore, il ne cherchait pas même de leçons, s’enfermait dans une douleur dédaigneuse, trop grande, trop profonde pour être comprise, sans autre distraction que quelques visites au couvent des Franciscains, non seulement pour avoir des nouvelles de Saint-Mandé, mais parce qu’il aimait cette chapelle bizarre, son caveau de Jérusalem au Jésus sanglant et colorié. Cette mythologie naïve, ces représentations presque païennes, ravissaient le chrétien des premiers siècles. « Les philosophes mettent Dieu trop haut, disait-il quelquefois… On ne le voit plus. » Lui le voyait dans la nuit de la crypte, et parmi toutes ces images aux supplices barbares, à côté de la Marguerite d’Ossuna châtiant le marbre de ses épaules, il se figurait cette vision d’un soir de Noël, la reine d’Illyrie, les bras tendus, implorants et protégeants à la fois, refermés sur son fils, les mains jointes, devant la crèche…

Une nuit, Élisée fut réveillé en sursaut par la sensation singulière d’une chaleur qui lui montait de la poitrine, lentement, comme une