Aller au contenu

Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
LES ROIS EN EXIL

front, communicative dans l’ardeur de son discours. Ah ! si Christian eût été comme cela, ils seraient encore sur le trône ou disparus tous deux, ensevelis sous ses décombres… Chose singulière ! dans cette attention dont elle ne pouvait se défendre, la voix, le visage d’Élisée lui donnaient une impression de ressouvenir. De quelle ombre de sa mémoire se levaient ce front de génie, ces accents qui lui résonnaient au plus profond de l’être, dans quelque cavité secrète du cœur ?…

Maintenant le maître s’était mis à interroger son élève, non sur ce qu’il savait — rien ou si peu de chose, hélas ! — mais en cherchant ce qu’on pourrait lui apprendre. « Oui, monsieur… Non, monsieur… » Le petit prince n’avait que ces deux mots aux lèvres et mettait toute sa force à les prononcer, avec cette gentillesse timide des garçons élevés par des femmes dans la perpétuité de leurs premiers enfantillages. Il essayait pourtant, le pauvre mignon, sous l’amas de connaissances variées que lui avait données madame de Silvis, de démêler quelques notions d’histoire générale parmi les aventures de nains et de fées qui pailletaient sa petite imagination machinée comme un théâtre de féerie. De sa place la reine le soutenait, l’encourageait, le soulevait sur son âme à elle. Au départ des hirondelles, si la plus petite du nid ne vole pas encore, la mère lui donne ainsi l’essor sur ses