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Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/92

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propres ailes. Quand l’enfant hésitait à répondre, le regard de Frédérique, doré dans ses yeux d’aigue-marine, se fonçait comme le flot sous le grain qui passe ; mais lorsqu’il avait dit juste, quel sourire de triomphe elle tournait vers le maître ! Depuis bien des mois elle n’avait éprouvé une pareille plénitude de bien-être, de joie. Le teint de cire du petit Zara, sa physionomie affaissée d’enfant débile, semblaient infusés d’un sang nouveau ; jusqu’au paysage dont les plans tristes s’écartaient à la magie de cette parole, ne laissant plus voir que ce qu’avait d’imposant et de grandiose ce dénuement vaste de l’hiver. Et pendant que la reine restait attentive, le coude appuyé, le buste en avant, penchée tout entière vers cet avenir où l’enfant-roi lui apparaissait dans le triomphe du retour à Leybach, Élisée frissonnant, émerveillé d’une transfiguration dont il ne savait pas être la cause, voyait sur ce beau front au ton d’agate se tordre et s’enrouler en diadème royal les reflets croisés des nattes lourdes.

Midi sonnait partout que la leçon durait encore. Dans le salon principal où la petite cour se réunissait chaque matin à l’heure du déjeuner, on commençait à chuchoter, à s’étonner de ne voir paraître ni le roi ni la reine. L’appétit et le vide de cet instant où le repas se fait attendre mêlaient une certaine mauvaise humeur à ces entretiens à voix basse. Boscovich,