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Page:Daudet - Jack, II.djvu/124

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je me suis donné pour compagnons le caprice, le désordre, l’enfantillage et le bruit…

Il tape du pied, assène un coup de poing sur la table, tandis que Charlotte, qui n’a pas assez pleuré pour le trop-plein de son cœur, ramasse en versant des larmes les plumes, l’essuie-plume, le porte-plume, tout son attirail de secrétaire dispersé sur le tapis du salon.

L’arrivée du docteur Hirsch met fin à cette scène regrettable, mais si fréquente que tous les atomes de la maison y sont habitués et que, sitôt la tourmente passée, la colère tombée, ils reprennent vite leur place et rendent aux objets leur apparence d’harmonie et de tranquillité habituelles. Le docteur n’est pas seul. Il est accompagné de Labassindre, et tous deux font une entrée mystérieuse, grave, extraordinaire. Le chanteur surtout, accoutumé aux effets de scène, a une façon de serrer hermétiquement les lèvres en relevant la tête, qui signifie visiblement : « Je sais quelque chose de la plus grande importance, mais rien ne pourra me décider à vous l’apprendre. »

D’Argenton, encore tout tremblant de fureur, ne comprend pas ce que veulent dire ces poignées de mains vibrantes, significatives, que ses amis lui prodiguent à la muette. Un mot de Charlotte le met au fait :

— Eh bien, monsieur Hirsch ? dit-elle en s’élançant vers le docteur fantaisiste.

— Toujours la même réponse, madame. On n’a pas de nouvelles.