Aller au contenu

Page:Daudet - Jack, II.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme j’ai de la place… Seulement, attendez… Avant d’entrer chez nous, il faut que je remette le petit chez madame Weber.

Il chercha devant la porte contiguë à la sienne une clef sous le paillasson, ouvrit en homme au courant des habitudes de la maison, alla droit au poële où mijotait depuis midi la soupe du soir, alluma la chandelle, puis quand il eut attaché l’enfant sur la haute chaise devant la table, qu’il lui eut mis dans les mains deux couvercles de casseroles pour se divertir…

— Maintenant, dit-il, allons-nous-en vite. Madame Weber va rentrer, et je suis curieux de voir ce qu’elle va dire quand elle verra les chaussures neuves du petit… Ça va être bien drôle… C’est qu’elle ne peut pas se douter d’où ça lui vient, il n’y a pas moyen qu’elle s’en doute. Il y a tant de monde dans la maison et tout le monde l’aime tant !… Ah ! nous allons nous amuser.

Il en riait d’avance en ouvrant la porte de sa chambre, une longue pièce mansardée, divisée en deux par une sorte d’alcôve vitrée. Des casquettes et des chapeaux empilés disaient la profession du locataire, et la nudité des murs racontait sa pauvreté.

— Ah çà, Bélisaire, demanda Jack, vous ne logez donc plus avec vos parents ?

— Non, dit le camelot un peu gêné et se grattant la tête selon son habitude en pareil cas ; vous savez, dans les familles nombreuses on ne s’accorde pas tou-