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Page:Daudet - Jack, II.djvu/324

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elle n’aimait plus Jack, comment expliquer cette tristesse, ce besoin de solitude, cette langueur que l’activité forcée de la ménagère ne parvenait pas à dissiper ? Et si elle l’aimait encore, pourquoi l’avoir refusé ? Il sentait bien, le bon docteur, qu’il y avait là quelque mystère, un combat intérieur ; mais au moindre mot, à la moindre question, Cécile le déroutait, lui échappait, comme si elle se fût sentie responsable seulement vis-à-vis d’elle-même des décisions suprêmes de sa conscience. Devant cette attitude inquiétante de sa petite-fille, le brave homme en arriva à oublier la douleur de Jack ; il avait bien assez de la sienne à ruminer, à raisonner, et le cabriolet qui l’emportait à toute heure sur les routes, son vieux cheval, de plus en plus indiscipliné, auraient pu raconter ses agitations, rien qu’à sa façon bizarre de conduire.

Une nuit, on vint sonner à la maison pour un malade. C’était la vieille Salé qui attendait en se lamentant sur la route. Il paraît que cette fois « son houme, son pauv’houme se décidions à querver. » M. Rivals, que son chagrin et son grand âge n’empêchaient pas d’être toujours sur pied au premier signal, monta précipitamment d’Étiolles aux Aulnettes. Les Salé habitaient auprès de « parva domus, » un véritable trou creusé en contre-bas du chemin, une chambre où l’on descendait comme dans une cave, orde, sombre, mal close, vrai gîte de paysans du temps de La Bruyère, qui avait survécu à tous les châteaux environnants. Pour