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Page:Daudet - Jack, II.djvu/326

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grandes précautions, à cause du médecin d’Étiolles qui faisait une guerre acharnée à sa médecine sans diplôme. Deux fois déjà il avait été mandé au parquet de Corbeil et menacé de peines sévères s’il continuait à exercer. Mais le voisinage des Salé, l’humilité de leur condition… Malgré sa peur des gendarmes, il s’était encore laissé tenter.

— Vite, vite, ouvrez la porte, la fenêtre… vous voyez bien qu’il étouffe, ce malheureux !

La vieille se dépêchait d’exécuter les ordres du docteur, en marmottant :

— Ah ! mon pauv’houme, mon pauv’houme ! Il disions tant qu’ils nous le guéririons… Est-il possible de tromper le monde comme ça !… Pauvre bête sauvage de paysan que je sommes.

Pendant que M. Rivals, penché vers le mourant, épiait ce qu’il restait de force à son pouls insensible, une voix caverneuse sortit de dessous les guenilles du grabat :

— Dis-y, femme, tu as dit que tu y dirais.

La vieille continua à parler avec volubilité, à remuer la bourrée dans le foyer. Mais le moribond recommença de sa voix épuisée :

— Dis-y, femme… dis-y, femme…

M. Rivals regarda la Salé, dont le visage brûlé de vieille squaw avait pris une belle couleur de brique. Elle s’approcha en balbutiant :

— Dam ! oui, ben sûr que c’est encore sa faute à ce