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Page:Daudet - Jack, II.djvu/327

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médecin d’à côté, si j’avons fait du chagrin à c’te pauvre demoiselle qu’est si charitable.

— Quelle demoiselle ? De qui parlez-vous ? demanda le docteur vivement, en lâchant le bras de son malade.

Elle hésitait. Mais la voix du braconnier, de plus en plus faible et comme si elle venait de très loin, murmura encore une fois :

— Dis-y… Je veux que tu y dises.

— Eh ben oui, là, j’y dis, fit la vieille résolûment. Voilà ce que c’est, mon bon M. Rivals, ce guerdin-là m’a donné vingt francs, — y a-t-il du vilain monde, Jésus Seigneur ! — y m’a donné vingt francs pour si je voulions raconter à mam’zelle Cécile toute l’histoire de son papa et de sa maman.

— Coquine !… cria le vieux Rivals avec une colère qui lui fit retrouver la force et l’élan de sa jeunesse.

Il avait pris l’horrible paysanne, la secouait brutalement.

— Tu as osé faire cela ?

— C’est pour les vingt francs, mon bon monsieur… Si ce vilain houme ne m’avions pas donné vingt francs, je serions morte plutôt que de parler… D’abord, aussi vrai que v’là un chrétien qui va passer, je savions ren de ren de c’te affaire-là ! C’est lui qui m’a tout raconté pour que je le rapportions après.

— Ah ! le misérable, il m’avait bien dit qu’il se vengerait… Mais qui donc a pu l’instruire et si bien guider sa vengeance ?