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Page:Daudet - Jack, II.djvu/352

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— Oui, monsieur, à ma suffisance.

— Et quelle est votre suffisance ?… Je pense que ce doit être plusieurs litres ?

— Dam ! monsieur, ça dépend des jours.

— Oui, je comprends… Ainsi les jours de paye…

— Dam, les jours de paye, vous savez ben ce que c’est… On est ensemble avec les amis.

— Oui, c’est cela, vous vous grisez les jours de paye… Vous êtes maçon, payé tous les huit jours, vous êtes ivre à rouler au moins quatre fois par mois… Très bien. Votre langue !

L’ivrogne a beau protester, il faut qu’il avoue son vice, il a affaire à un véritable juge d’instruction. Quand il arriva devant Jack, le médecin l’examina avec attention, lui demanda son âge, et s’il était depuis longtemps malade. Jack répondait avec effort, d’une voix sifflante ; et tout le temps qu’il parlait, Bélisaire derrière lui clignait des yeux, avançait ses grosses lèvres.

— Voyons, levez-vous, mon garçon, dit le docteur en appliquant son oreille sur les vêtements mouillés du malade pour l’ausculter… Vous êtes donc venu à pied ?

— Oui, monsieur.

— C’est extraordinaire que vous ayez pu marcher dans l’état où vous êtes… Il vous a fallu une fière énergie. Mais je vous défends bien de recommencer. On va vous mettre sur une civière.