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Page:Daudet - Jack, II.djvu/51

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comique : « Allons, Jack, rendez-lui donc ses écus, à ce pauvre homme. » C’est qu’il comprenait bien les sacrifices de ce père, lui, le camelot, dont la vie était un crucifiement perpétuel pour les siens.

Hélas ! si Jack l’avait tenu, cet argent, avec quelle joie il l’aurait jeté dans les mains du père Roudic, dont le désespoir lui serrait le cœur. Mais il ne l’avait pas, et ne pouvait que dire :

— Je ne vous ai pas volé M. Roudic. Je jure que je n’ai rien pris.

Le directeur se leva impatienté.

— En voilà assez. Pour résister à des paroles comme celles que vous venez d’entendre, il faut avoir une âme bien scélérate, et si elles ne vous ont pas arraché la vérité, tout ce que nous vous dirions n’y parviendrait pas. On va vous reconduire là-haut. Je vous donne jusqu’à ce soir pour réfléchir. Si ce soir vous ne vous êtes pas décidé à opérer la restitution qu’on vous demande, je vous abandonne à la justice : elle saura bien vous faire parler.

Ici, un des surveillants, ancien gendarme, homme perspicace et sûr, s’approcha de son chef et lui dit à voix basse :

— Je crois, mon directeur, que si vous voulez tirer quelque chose de l’enfant, il faut le mettre à part de l’autre. J’ai vu le moment où il allait tout dire ; c’est le camelot qui l’en a empêché en lui faisant tout le temps des signes.