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Page:Daudet - Jack, II.djvu/52

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— Vous avez raison. Il faut les mettre à part.

On les sépara donc, et Jack fut ramené tout seul dans la chambre de l’horloge. En sortant, il avait vu la figure ahurie, terrifiée, de Bélisaire qu’on conduisait les menottes au poing ; et la pensée de ce pauvre diable, aussi malheureux et encore moins coupable que lui, vint ajouter à ses tortures.

Que la journée lui sembla longue !

Il essaya d’abord de dormir, d’enfoncer sa tête dans la paille pour échapper au désespoir qui l’envahissait. Mais l’idée que tout le monde le croyait criminel, que lui-même avait donné prise à tous les soupçons par sa conduite honteuse de la veille, le secouait à chaque instant de violents soubresauts… Comment prouver son innocence ? En montrant la lettre de sa mère et que l’argent dépensé venait d’elle. Mais si d’Argenton le savait !… Ce manque de perspective qui met dans les jeunes cerveaux les petites raisons avant les grandes, lui faisait abandonner tout de suite ce moyen de salut. Il voyait une scène épouvantable aux Aulnettes, et la pauvre Charlotte en pleurs…

Mais alors, par quels moyens se justifier ? Et pendant que couché sur sa botte de paille, encore éreinté de l’ivresse de la veille, il se débattait dans ces difficultés de sa conscience, le bruit, l’activité du travail montaient autour de lui, l’horloge sonnait au-dessus de sa tête, et ce timbre lourd semblait le pas lent, inexorable de quelque vengeur qui arrivait.