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Page:Daudet - Jack, II.djvu/53

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Deux heures. Quatre heures. Voilà la rentrée, la sortie des ouvriers. Le soir va venir, et il n’a que jusqu’au soir pour prouver son innocence. Si l’argent n’est pas rendu, en prison ! Jack voudrait y être déjà. Il lui semble qu’il serait bien, enfermé, muré dans un cachot si noir, si profond que personne ne viendrait l’y réclamer. On dirait qu’il se doute de l’horrible torture qui va lui être encore infligée. Tout à coup il entend crier l’escalier en échelle de moulin qui mène à la chambre de l’horloge. Quelqu’un souffle, soupire, se mouche derrière la porte, où résonne à la fin un petit coup comme en frappent de gros doigts timides qui ont toujours peur de faire trop de bruit. Puis la clef tourna dans la serrure.

Zenaïde entre vivement :

— C’est moi… Ouf ! que c’est haut.

Elle dit cela d’un petit air gracieux, dégagé ; mais elle a tellement pleuré, ses cheveux si lisses d’ordinaire sont si ébouriffés sous sa coiffe, ses yeux si rouges, si gonflés, que cette gaieté factice sur les traces de son chagrin ne les fait que mieux ressortir. La pauvre fille sourit à Jack, qui la considère tristement :

— Je suis laide, hein ?… C’est une horreur… Déjà, dans l’habitude, je ne me trouve pas jolie. Je me fais des grimaces quand je me regarde. Je n’ai pas de taille, pas de tournure, avec ça un gros nez, de tout petits yeux. Ce n’est pas de pleurer qui me les