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Page:Daudet - Jack, II.djvu/67

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envoyée mettrait deux jours ; autant pour la réponse. Puis, tout à coup :

— Si j’y allais… hasarda Charlotte, effrayée elle-même de son audace. Il répondit tranquillement :

— Eh bien, c’est cela. Partons.

— Comment, tu veux bien m’accompagner à Tours ?… À Indret aussi alors ; car c’est sur la même route et nous porterions l’argent tout de suite ?

— À Indret aussi.

— Que tu es bon, que tu es bon !… répétait la pauvre folle en lui baisant les mains. La vérité est qu’il se souciait peu de la laisser aller à Tours toute seule. Sans connaître à fond son histoire, il savait qu’elle avait vécu là, qu’elle y avait été heureuse. Et si elle n’allait plus revenir !… Elle était si faible, si inconsistante. La vue de son vieil ami, de ce luxe auquel elle avait renoncé, l’influence de l’enfant qu’elle allait retrouver, tout son passé pouvait la reprendre, l’arracher à cette tyrannie que lui-même sentait lourde et dure à supporter.

C’est qu’il ne pouvait plus se passer d’elle. Son égoïsme vaniteux, ses superstitions de malade s’attachaient à cette tendresse aveugle, à ces soins continuels, à cette bonne humeur épanouie. En outre, il n’était pas fâché de faire un petit voyage, de se soustraire à ce terrible drame lyrique sur lequel il peinait depuis si longtemps avec des « han ! » prolongés et stériles.