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Page:Daudet - Jack, II.djvu/68

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Bien entendu, il colorait ces craintes et ce besoin de distraction de prétextes chevaleresques, disant à Charlotte qu’il ne l’abandonnerait pas, qu’il voulait être avec elle dans la peine comme dans la joie ; et ainsi il maintenait l’amante reconnaissante et ravie au milieu de sa douleur de mère. D’ailleurs l’activité qui précède tout départ, dissipait dans l’âme fragile de cette pauvre Lolotte son coup mortel de tout à l’heure. Comme ces veuves de paysan qui, sitôt le mari enterré, préparent le grand repas des funérailles et oublient dans les devoirs de maîtresse de maison les sanglots de la veille, Charlotte, en emplissant ses malles, en faisant toutes ses recommandations à la mère Archambauld, en arrivait presque à oublier le but navrant de son voyage. À dîner, d’Argenton dit au docteur Hirsch :

— Nous sommes obligés de partir. L’enfant a fait des farces, de grosses farces. Nous allons à Indret. Tu garderas la maison pendant notre absence.

L’autre ne demanda pas d’explications. Cela ne l’étonnait pas que l’enfant eût fait de grosses farces, et il montra combien il était bon parasite, en s’écriant comme d’Argenton :

— J’en étais sûr.

Ils partirent par l’express de nuit et arrivèrent à Tours de bon matin. Le « vieil ami » de l’ancienne Ida de Barancy habitait aux environs de la ville dans