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Page:Daudet - Jack, II.djvu/98

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ler ma bosse et chercher fortune en roulant… Tiens ! il nous est venu l’autre jour, à l’ajustage, Blanchet, le mécanicien-chef du Cydnus qui cherchait des chauffeurs. Si la chambre de chauffe ne te fait pas peur, tu pourrais tenter le coup. Tu gagnerais tes six francs par jour en faisant le tour du monde, logé, nourri, chauffé… Ah ! dam, oui, dam ! chauffé… Le métier est rude, mais on en revient, puisque je l’ai fait deux ans et que me voilà. Voyons, veux-tu que j’écrive à Blanchet ?

— Oui, monsieur Roudic… J’aime mieux ça.

L’idée d’avoir une double paye, de voir du pays, cet amour du voyage qui lui venait de son enfance, des histoires de Mâdou, des campagnes de la Bayonnaise racontées par M. Rivals, bien des raisons achevèrent de décider Jack à prendre ce métier de chauffeur où viennent échouer tous les mauvais ouvriers du fer, tous les Ratés du marteau et de l’enclume, et qui ne demande que de la vigueur et une grande force de résistance.

Il partit d’Indret un matin de juillet, juste quatre ans après son arrivée.

Quel temps superbe encore ce jour-là !

Du pont du petit bateau où Jack se tenait debout à côté du père Roudic qui avait voulu l’accompagner, le spectacle était saisissant. Le fleuve s’agrandissait à chaque tour de roue, écartant, repoussant ses berges de toute sa force comme pour faire la place plus large