Page:Daudet - La doulou (la douleur) 1887 - 1895 ; Le trésor d’Arlatan (1897), 1930.djvu/34

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M. B*** passion de l’absinthe.

Boursiers venant à la fin du jour.

Dans le fond, salle d’armes. Ayat et ses prévôts. Choderlos, le bâtonniste.

Savate. Boxe. M. de V*** (depuis des années, deux douches par jour) va tirer le poids, va se peser dans le fond.

Va-et-vient de la petite voiture.

Les étuves.

Ce M. B*** quelquefois dans la voiture, gras, chair blanche, apparence de santé ; d’autres fois, porté, soutenu, marchotant.

Bruits de la douche, voix sonores, et le cliquetis des épées dans le fond. Tristesse profonde que cela me cause, cette vie physique que je ne peux plus.

Pauvres oiseaux de nuit, battant les murs, les yeux ouverts sans voir…

Quel supplice de revenir de la douche par les Champs-Élysées, six heures, un beau jour, rangées de chaises.

La préoccupation de marcher droit, la peur d’être pris d’un de ces coups lancinants — qui me fixent sur place, ou me tordent, m’obligent à lever la jambe comme un rémouleur. C’est pourtant le chemin commode, le moins douloureux pour les pieds, car il faut que je marche.

Retour de la douche avec X***, un malade de la tête, que je réconforte — que je « frictionne » en chemin, pour le plaisir si humain de me faire de la chaleur à moi-même.

« Mal de voisin réconforte et même guérit ». Proverbe du Midi, le pays des malades.